Le fait qu’un individu ne demande pas une prestation sociale à laquelle il a droit pose question du point de vue
de la théorie de la décision. Nous examinons dans cette étude les trois explications classiques de ce
phénomène dit de non‐recours, à savoir le manque d’information, le stigmate social et l’arbitrage
coûts/bénéfices. Nous formulons et testons également trois nouvelles hypothèses de nature psychologique : il
existe, au sein de la population éligible, des différences cognitives entre les recourants et les non‐recourants,
en termes d’intelligence générale, de dévaluation temporelle et de personnalité. Nous avons procédé à la
comparaison de deux groupes de vingt sujets, comparables du point de vue de l’éligibilité, sur une batterie de
tests cognitifs, de tests de personnalité et d’entretiens semi‐directifs dans le cadre d’une prestation sociale de
santé, la Couverture Maladie Universelle Complémentaire (CMU‐C). Nous avons trouvé des différences
significatives entre les deux groupes. D’après nos résultats, les principaux facteurs explicatifs du non‐recours à
la CMU‐C seraient d’abord une intelligence non‐verbale et une capacité de calcul limitées, ensuite le caractère
peu consciencieux, un manque d’informations spécifiques sur le fonctionnement du système de santé et de
solidarité et enfin un nombre d’enfants moins élevé. Ces résultats confirment, en les affinant, les hypothèses
du manque d’information et de l’arbitrage coûts/bénéfices proposées par les économistes et les sociologues,
ainsi que nos hypothèses de différence d’intelligence générale et de personnalité. En revanche, l’hypothèse
sociologique du stigmate social et l’hypothèse de différence de préférence pour le présent ne sont pas
pertinentes dans cette étude.
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